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La théorie du no-limit

dimanche 2 octobre 2005

Je profite de la tribune publique qui m’est ici offerte par mes propres soins attentionnés (et oui, parce que si j’attendais après vous, hein... enfin bref) pour vous exposer une théorie qui me tient à coeur et que j’ai développée depuis plusieurs années déjà dans le secret des replis les plus reculés de mon cerveau jusqu’à ce qu’elle arrive à maturation. Or aujourd’hui, ça y est : je suis prêt à la révéler au grand jour et aux masses populeuses. Et pour peu que ces dernières se tiennent au grand jour, je pourrai même faire d’une pierre deux coups.

Cette théorie, c’est la théorie du no-limit (peut-être que vous vous en doutiez un petit peu, mais il ne faut jamais jurer de rien). La théorie du no-limit s’articule autour du concept fondamental que voici : La détention d’un quelconque pouvoir implique qu’il est possible de l’utiliser n’importe comment, au mépris de toute décence et faisant fi des principes les plus élémentaires de dignité humaine pour peu que l’on sache s’y prendre.

L’événement qui a présidé à la naissance de cette théorie est l’auto-augmentation que s’est adjugé d’autor le bon père Raffarin dès sa nomination au poste de premier ministre (c’est à dire avant qu’il ne s’étiole comme un rat bougri [1]). Comme tout un chacun, je me suis dit alors « Putain ! y-z’ont pas mal aux couilles quand même de se voter une augmentation, comme ça pendant les vacances ! », ce cri du cœur, malgré sa forme quelque peu triviale, je vous le concède bien volontiers, n’en cachait pas moins une perception essentielle car déjà, je sentais poindre confusément en moi les prémisses de ce qui allait devenir la théorie du no-limit.

Déjà, le premier pas était franchi : l’utilisation du pouvoir à des fins personnelles ; ce qui en soit n’est pas vraiment une nouveauté ; mais de manière la plus éhontée qui soit, et pour la plus vile des raisons : le profit matériel immédiat. En catimini certes, mais de manière officielle, avec l’assentiment des représentants démocratiquement élus du bon peuple de France trop occupé à étaler sa cellulite et ses congés payés sur des plages en voie de mazoutisation.

On aurait pu penser que c’était là une erreur de débutant, mais que nenni ! La suite prouva que c’était tout simplement une forme déguisée de test, histoire de voir un peu les réactions. Et quelles furent elles, les réactions ? Néant. Zob ! Peau-de-balle. À peine un entrefilet dans le Canard. Rien.

OK. On peut donc tout se permettre. Le problème, c’est que si on doit toujours attendre l’été pour profiter de cette place si chèrement acquise à force de compromission, de léchage de toutes les parties... ...du corps susceptibles d’être léchées et de courbettes veules, on risque fort de s’ennuyer pendant tout le reste de l’année. Heureusement la communication est là pour nous aider. La communication est un outil merveilleux : elle permet de transformer n’importe quelle société humaine en république aussi bananière que corrompue peuplée d’ovidés évidés de la cervelle.

Dès lors on entre véritablement dans l’ère du no-limit : On retrouve Colonna à trois jours des élections, on s’octroie des indemnités de licenciement pharaoniques alors même qu’on a quasiment coulé un des fleurons de l’industrie, on multiplie les cadeaux à quelques bon amis nantis. Rien n’est trop pour peu qu’on sache assumer devant les caméras avec un joli sourire et une ou deux phrases bien tournées assénées avec aplomb et conviction.

Des scrupules ? Tiens Fume ! La contrition ? qu’est-ce que c’est ce truc ? Ça se mange ? On ose tout. Se permet toutes les audaces, tous les abus, que ce soit de confiance, de biens sociaux, de pouvoir ou d’onc a plus soif. Si je prends les gens pour des cons ? Ben oui, pourquoi ? Ils le sont non ? La preuve : ils ne disent rien !

Imparable !

On pourrait tenter de se rassurer en pensant qu’il s’agit là d’un phénomène local et passager. Mais force est de constater qu’il en est de même à l’échelle du monde. Le summum étant bien sûr encore à ce jour l’invasion de l’Irak par Bush afin de sauvegarder son pétrole et ses juteuses affaires au nom de grands principes de démocratie et de liberté. A ce niveau là, je dis “Chapeau”. Je m’incline devant tant de maestria. Je ne peux que constater les dégâts et me retirer sur la pointe des pieds.

Si vous avez besoins de moi, je suis au fond de ma grotte.

[1] Maître Goscinny, priez pour nous

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